Vingt-cinq août 1988
Le souffle court, Pia peinait à trouver la force de continuer. Après avoir tourné à droite à la fin de sa rue, la jeune fille s’était faufilée de raccourci en raccourci jusqu’à atteindre l’immense champ de coquelicots qui séparait la ville de la banlieue.
Elle s’était mise dans un sacré pétrin en désobéissant à ses parents et à la loi la plus élémentaire des sorciers en se mettant ainsi à découvert. Mais le jeune Watson n’avait rien voulu entendre. Or Pia lui avait juré qu’elle avait le pouvoir de faire revivre les massifs de magnolias qui bordaient sa maison et, poussée par un incommensurable désir de faire ses preuves, s’était bêtement exécutée.
En cette chaude journée d’été, elle n’avait rien trouvé de mieux à faire que d’aller embêter le fils des voisins. Pia s’ennuyait à mourir enfermée dans la maison, voyant ses frères et ses sœurs préparer leurs affaires pour la rentrée à Poudlard. Elle était la dernière de la famille et Edith, la plus jeune de ses sœurs ainées, partait à son tour rejoindre la grande école de sorcellerie pour sa première année. Même si sa mère restait à la maison pour s’occuper d’elle, Pia savait pertinemment à quel point elle allait s’ennuyer.
Elle avait fui ces peurs d’isolement, de monotonie, de morosité et de lassitude qui la hantaient déjà. La rentrée approchait, la maison s’agitait et les préparatifs se faisaient bien sentir. Tandis qu’elle, pauvre Pia, allait encore devoir attendre avant de pouvoir pleinement profiter de cette grisante agitation.
Alors elle était sortie de la maison, sans l’autorisation de sa mère. Cette dernière n’avait rien vu, bien trop occupée à courir à gauche et à droite pour superviser les lessives et le rangement des valises. Et son voisin moldu, Auguste Watson, était dans son jardin, à jouer de la balançoire. Les fleurs qui bordaient les haies s’étaient fanées à cause de la chaleur presque insupportable qui régnait dans la banlieue. Profitant qu’ils soient totalement seuls, Pia s’était avancée vers Auguste.
- Je te parie que je peux faire repousser les fleurs là-bas !fit l’enfant en pointant
du doigt les haies.
Auguste parut peu impressionné et lui répondit par un grognement tout à fait charmant.
Pia fronça les sourcils et força le petit Watson à la suivre jusqu’aux massifs de magnolias étiolés en le prenant par le bras. Auguste pesta mais se tut aussitôt en voyant le regard noir de sa voisine. Puis Pia cueillit l’une des fleurs qu’elle enferma entre ses petites paumes jointes avant de fermer les yeux et de se concentrer. Lorsqu’elle les rouvrit en même temps que ses mains, elle entendit Auguste pousser un cri strident.
Pia regarda le joli magnolia dont les pétales blanches avait repris leur éclat et s’étaient ouverts, découvrant un cœur jaune de pollen. Le jeune Watson, effrayé, s’était enfui vers sa maison. Pia ne se fit pas prier pour s’éloigner le plus vite possible en voyant la mère d’Auguste sortir de la bâtisse blanche d’un air perdu, cherchant la petite fille des yeux.
Au bout de cinq minutes de course folle, Pia Violet parvint au champ de coquelicots dans lequel elle s’enfonça après avoir jeté un dernier coup d’œil par-dessus son épaule. Elle fut soulagée de constater que personne ne l’avait suivie ou tenté de la retrouver. Enfin, pour le moment.
C’était en réalité la seconde fois que Pia faisait une chose de ce genre. Et Pia se doutait bien qu’Alicia Watson n’avait pas perdu une seconde pour aller voir sa mère afin de lui faire part de son comportement qu’elle qualifiait de scandaleux et nuisible à son propre fils.
Soupirant d’exaspération, l’enfant se laissa tomber parmi les grandes herbes et les beaux coquelicots. Il ne lui restait plus qu’à attendre.
1er septembre 1991
Pia restait proche de sa mère, sentant l’angoisse la prendre un peu plus en otage à chaque quai qu’ils dépassaient. Bientôt la voie neuf trois-quarts, le Poudlard Express et son départ pour l’école de sorcellerie. Bien que ses frères et sœurs l’aient maintes fois rassurée, rien n’y faisait. Pia ne voulait plus aller à l’école.
Elle avait peur de ne pas s’intégrer parmi ses camarades, de ne pas être envoyée dans la bonne maison, de ne pas être capable d’exécuter le moindre tour de magie, le moindre sort. Et si elle se ridiculisait devant tout le monde pendant la cérémonie de la Répartition ?
- Pia, dépêche-toi ! On va rater le train !lui fit sa mère.
La fillette de onze ans réagit aussitôt et accéléra le pas. Hors de question de rater le train en plus de tout ça. Ils se dépêchèrent de passer à travers le mur qui se trouvait entre les voies neuf et dix, en faisant bien attention qu’aucun moldu ne s’aperçoive de quelque chose.
Le cœur de Pia lui remonta dans la gorge lorsqu’elle arriva devant l’immense train rouge dont la locomotive laissait échapper d’épais panaches de vapeur. Elle n’eut pas plus le temps de considérer le Poudlard Express, tirée par sa mère vers les compartiments. Elles trouvèrent bien vite un compartiment vide et après avoir mis la grosse malle de Pia au-dessus du siège, madame Violet serra sa fille dans ses bras, l’embrassa sur les deux joues puis descendit. Le train allait bientôt quitter la gare. Le nez collé à la vitre, Pia faisait des derniers signes à sa mère, essayant de ne pas pleurer.
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« Gryffondor ! »
Une salve d’applaudissements et de félicitations s’éleva dans la Grande Salle. Pia Violet retira le Choixpeau qu’elle déposa soigneusement sur le tabouret. Puis elle se pressa de rejoindre la table des Gryffondor, rouge comme une tomate. Au même moment, McGonagall nommait les derniers noms de la grande liste. Elle était envoyée à Gryffondor, la maison où toute sa famille était allée avant elle. Fière et heureuse, elle se tourna vers la table des professeurs, prêtant une attention toute particulière au reste des élèves non-repartis, à présent qu’elle se sentait soulagée et détendue.